Histoire d'eau(x)

- Publié le 24 août 2020 -

Aujourd’hui, lorsqu'ils se demandent quelle eau boire, les Français hésitent de moins en moins à se tourner vers l'eau du robinet puisqu'ils sont 66% à en consommer quotidiennement, contre 37% pour l’eau en bouteille (sondage TNS Sofres 2018).

Mis à part l’évident aspect économique, quelles sont les différences entre ces deux types d’eaux ? Peut-on accorder la même confiance à l’eau du robinet qu’à celle en bouteille ?

L’eau du robinet 

L'eau au robinet, qui nous apparaît pourtant comme évidente, ne date pourtant que du XIXe siècle avec l’arrivée progressive de l’eau courante dans les habitations. Aujourd’hui, des technologies complexes, mais éprouvées, permettent d’assurer la distribution d'une eau de qualité, et ce tout au long du réseau de distribution.

Une qualité incontestable

Sa qualité, en effet, est incontestable : l’eau du robinet est en effet l’aliment le plus contrôlé. En France, elle provient à 66% des eaux souterraines (captages de source ou forages) et à 34% des eaux de surface (lacs, fleuves, rivières). L’eau brute (avant traitement) doit déjà présenter une certaine qualité. Ainsi, les captages d’eau potable où les caractéristiques de l’eau ne sont pas satisfaisantes sont abandonnés. C’est l’arrêté du 11 janvier 2007 (complété le 21 janvier 2010) qui fixe les limites de qualité pour les eaux brutes et les eaux de consommation. L’ARS (Agence Régionale de Santé) vérifie localement le bon respect de ses exigences.

Une fois captée, l’eau passe ensuite en station de traitement. On vérifie alors la composition et la qualité de l’eau. Au total, pas moins de 70 critères sont passés au crible (pesticides, métaux lourds, pH, température, paramètres microbiologiques...). Ainsi, 28 millions d’analyses sont effectuées chaque année pour contrôler la qualité sanitaire de l’eau du robinet…

Pourquoi désinfecter l’eau du robinet ?

Les eaux brutes, contiennent parfois une forte concentration de micro-organismes. Il est indispensable de neutraliser tous virus et bactéries pathogènes pour rendre l’eau potable et sans danger pour notre santé. La désinfection doit garantir à l’eau une qualité sanitaire irréprochable. Et, grâce à un large champ d’actions, le chlore, désinfectant très couramment utilisé, est particulièrement efficace pour la protection de l’eau contre les contaminations depuis l’usine de production d’eau potable jusqu’à sa distribution à chacun de nos robinets.

La chloration est donc souvent utilisée pour le traitement de l’eau des réseaux publics d’eau potable. C’est généralement la dernière étape du traitement de l’eau avant sa distribution dans les habitations en vue de sa consommation. Elle consiste à introduire un produit chloré dans l’eau afin de détruire les bactéries, les germes vivants et les matières organiques résiduelles. Le caractère rémanent (qui dure dans le temps) de l’effet du chlore permet d’assurer cette sécurité microbiologique jusqu’au robinet du consommateur, même très éloigné du réservoir de distribution.

L’eau du robinet ainsi désinfectée peut parfois avoir un « goût de javel ». Cela est dû au chlore qui se lie aux matières organiques pour les éliminer. De cette réaction naissent ce que l’on nomme les sous-produits de la chloration (SPC) qui participent à ce goût que l’on peut retrouver de temps à autre.

Pour éviter ce désagrément, il suffit d’un geste simple : remplir une carafe d’eau et la placer, couverte, dans le bas du réfrigérateur. Au bout d’une heure, ce goût chloré aura disparu ! 


La teneur en chlore de l’eau traitée est vérifiée très fréquemment et souvent même en continu !


L'eau du robinet contient-elle des minéraux ?

Quand on parle d’eau en bouteille, l’accent est souvent mis sur les éléments minéraux essentiels qu’elle contient. Ce qui ne veut absolument pas dire que l’eau du robinet n’en contient pas ! L’eau du robinet est comme l’eau en bouteille pourvue en sels minéraux (calcium, magnésium, fluor...).La teneur en minéraux de l’eau du robinet dépend en réalité des sols et roches avec lesquels l’eau va entrer en contact lors de son trajet dans notre sous-sol. En fonction de la zone géographique dans laquelle on se situe, l’eau du robinet ne va pas avoir les mêmes caractéristiques, ni le même goût ! Mais, dans tous les cas, les autorités sanitaires s’assurent que l’eau du robinet ne présente aucune contre-indication pour la santé. 

Un reproche fréquent adressé à l’eau du robinet concerne la présence excessive de calcaire. Celui-ci occasionne des dépôts désagréables et peut détériorer nos appareils ménagers. Il est cependant important de savoir que le calcaire ne présente pas de dangers pour la santé : il s’agit en réalité de carbonate de calcium, riche en calcium et en magnésium.

Du coup, l’eau du robinet peut être consommée par tout le monde, y compris par les bébés, dans la plupart des régions françaises. Au niveau local et pour plus de précision, on peut se référer à l’affichage en mairie de la qualité de l’eau ou visiter  www.eaupotable.sante.gouv.fr où les résultats d’analyse sont disponibles par commune.

Avoir une pleine confiance en l'eau de notre robinet est essentiel car elle est l'alliée incontournable de notre santé. C’est pour cela que la sécurité sanitaire est une priorité absolue…

L'eau en bouteille, un effet du thermalisme

Pourquoi mettre l’eau en bouteille ? L’idée de mettre de l’eau en bouteille ne se trouve pas seulement dans son aspect utilitaire. En effet, dès l’Antiquité, certaines sources (Saint Amand (59), Saint Galmier (42) – la future eau de Badoit-) sont mentionnées comme recherchées pour leurs qualités spécifiques, notamment digestives. 

Au Moyen-Âge, les pélerins en route vers Saint-Jacques de Compostelle s’arrêtent volontiers à la source La Salvetat, actuellement située dans le parc naturel régional du Haut Languedoc (34). De nombreuses sources durant cette longue époque sont associées à des croyances magiques, alors réputées pour leurs vertus miraculeuses et qui chaque année attiraient nombre de pèlerins revenant y faire leurs dévotions, comme celle de Quézac (48) ou du Mont Sainte Odile (67).

Le XVIIIème siècle voit le développement de l’hydrologie médicale qui se fonde sur les qualités curatives de l’eau. Le docteur Thouvenel, alors médecin de Louis XVI (I754-I793) confirme les propriétés curatives de l’eau de Contrexéville, tandis que en I789, un certain marquis de Lessert fait constater par un médecin que l’eau d’Evian a soulagé ses maux de rein.

Il est donc logique qu’un siècle plus tard, au XIXème siècle, s’ouvre la voie  d’un  thermalisme médical. Les bienfaits de l’eau sur la santé sont désormais recherchés par les couches supérieures de la société. Les vertus « apéritives et digestives » de l’eau de Saint Galmier (Badoit) sont reconnues en I880. L’Académie des Sciences autorise également l’exploitation des sources de Rieumajou en I848, de Wattwiller en I850, d’Hépar etd’Evian en I870. 

Les thermes se multiplient, où les curistes viennent chercher santé, soins du corps, mais aussi apaisement de l’esprit, et sociabilité. Revenus chez eux, ceux-ci cherchent à prolonger les effets obtenus en faisant convoyer des récipients remplis d’eau thermale vers les villes, ce qui  entraîne le développement d’une véritable industrie des eaux minérales naturelles.

A titre d’exemple, les premières bouteilles de Vittel sont en grès (I857), puis en verre  avec un bouchon de porcelaine (I870), qui sera remplacé plus tard par une capsule en métal (années I930).

Les bouteilles d’eau en plastique moulées par soufflage se diffusent progressivement  aux USA et en Europe à partir des années 1970, malgré une application dans l’industrie des boissons assez difficile au départ.

Malgré de fortes disparités régionales, si la consommation d’eau en bouteille au quotidien, en France, reste une réalité pour nombre de consommateurs, la proportion des français déclarant boire l’eau du robinet, au quotidien, reste largement majoritaire et en augmentation régulière, selon les dernières éditions du baromètre tns-sofres "Les Français et l'eau" .

Quand on parle d’eau en bouteille, il faut tout d’abord en distinguer deux grandes catégories, bien différentes : les eaux de source et les eaux minérales.


L’eau de source

L’eau de source provient de nappes souterraines. Elle est soumise aux mêmes critères de potabilité que l’eau du robinet, ce qui signifie donc que sa qualité est contrôlée de la même façon. En revanche, elle ne subit pas de traitement de désinfection.


L’eau minérale

Tout comme l’eau de source, l’eau minérale provient elle-aussi de nappes souterraines. Elle n’est pas soumise à la même réglementation que l’eau du robinet. Ainsi, si l’on soumettait ces eaux à la grille de qualité de l’arrêté de 2007, certaines eaux seraient refusées car elles ne sont pas conformes aux critères de potabilité. Par exemple, la teneur en fluor autorisée est de 1,5mg/litre pour l’eau potable, contre 5mg/litre pour l’eau minérale. A la différence de l’eau de source, la composition de l’eau doit rester stable. L’eau minérale ne subit quasiment pas de traitements hormis la gestion de la teneur en fer, fluor etc, et aucune désinfection. Les différences entre les eaux minérales tiennent dans les écarts de minéralisation : calcium, magnésium, fluor, sodium, sulfates.... Ces écarts provenant du type de sous-sol où a cheminé l’eau.



Quelle eau pour quel public ?

Les eaux minérales ne sont pas recommandées pour les personnes souffrant d’hypertension car elles sont trop pourvues en sodium comme Vichy Celestins (1172 mg/l), St Yorre (1708 mg/l). Pour les personnes souffrant de problèmes rénaux, elles devront faire attention aux eaux contenant beaucoup de calcium comme Hépar (549 mg/l), Courmayeur (576 mg/l). A l’inverse, on leur recommande les eaux comme: Evian, Mont Roucous, ou Volvic.

Pour les bébés, on choisit des eaux faiblement minéralisées (minéralisation totale égale ou inférieure à 1 000 mg/litre). 

Enfin, les nitrates ne doivent pas dépasser 10 mg par litre. Les eaux de MontRoucous, Montcalm, Wattwiller, Thonon et Evian sont souvent citées comme étant adaptées aux besoins des bébés. Parfois, sur avis du médecin, le bébé peut se voir administrer des biberons à base d’eau minérale contenant une bonne dose de magnésium afin de traiter une constipation passagère.

L’eau est donc un aliment, un aliment à qui l’on peut associer des vertus… il appartient à chacun donc d’adapter le choix de son eau en fonction de ses besoins et de ses convictions personnelles…

Les usages de l’eau dans notre quotidien et notre santé

Hydratation, nettoyage, jardinage, cuisine, hygiène… l'eau fait partie de nos vies, de nos quotidiens. Elle doit donc nous apporter tout ce dont notre corps a besoin jour après jour.

L’eau du robinet contient l’ensemble des éléments naturels dont elle s’est chargée par dissolution lors de son écoulement sur les roches et les minéraux lors de son cycle naturel. Parmi ces éléments, l’eau que nous buvons contient des sels minéraux nécessaires à notre santé : phosphore, fluor, potassium, magnésium, sodium, calcium…

Au-delà de la nécessité de s’hydrater tout au long de la journée, la consommation d’eau du robinet représente donc également une source d’apport non négligeable en sels minéraux et oligo-éléments : fluorure, chlorure, phosphate, calcium, magnésium, potassium, sodium, fer, cuivre, manganèse, zinc, sélénium ou silicium…

A une époque où les produits alimentaires, davantage raffinés que par le passé sont souvent appauvris en certains éléments comme le magnésium et le calcium, l’eau, acalorique et contenant des quantités variables en minéraux et oligo-éléments, devient une source complémentaire pour satisfaire nos besoins quotidiens en ces éléments 

Si l’on prend l’exemple des deux éléments bien connus que l’on vient de citer : calcium et magnésium : on estime que 70 % des apports en calcium sont couverts par le lait et les produits laitiers. Il faut donc trouver les 30% restants ! La réponse est simple : boire 1 litre d’eau du robinet par jour couvre 15 à 25 % des besoins quotidiens en calcium. Celui-ci, présent sous forme de « carbonate de calcium », présente donc une assimilation quasi comparable à celle des produits laitiers.

Dans nos régimes alimentaires modernes, les apports en magnésium sont généralement insuffisants pour couvrir les besoins, notamment du fait de l’augmentation des traitements industriels qui réduisent de 80 à 95% les concentrations en magnésium des produits alimentaires. Les besoins en magnésium sont encore plus importants en période de forte croissance, pendant la grossesse et l’allaitement, ainsi que chez le sportif et chez les personnes âgées… Là encore l’eau de boisson peut donc représenter une source non négligeable en ce minéral. De plus, le magnésium est présent sous forme soluble dans les eaux de boisson ce qui le rend plus disponible pour son utilisation par l’organisme.

L’eau peut donc aider à la couverture des besoins en minéraux et oligo-éléments

Boire de l’eau du robinet, est un geste simple, peu coûteux et avant tout, très accessible. Consommer l’eau du robinet évite le transport, l’utilisation des plastiques  et permet de boire à tout moment, pour bénéficier d’une hydratation satisfaisante et par la même occasion d’un apport important en sels minéraux.

Et demain ?
Quel avenir pour notre eau ?

Si le volume de l'eau présente sur notre planète reste stable, les activités humaines ont un impact non négligeable sur la ressource… car l’eau n'est pas un liquide banal. Elle voyage entre ciel et terre : c'est la même eau qui circule partout, recyclée sans cesse … Notre influence se fait ressentir, à la fois sur la dégradation de la qualité de cette ressource, mais également sur l’exécution globale du cycle de l’eau (réchauffement climatique, surexploitation de nappe, imperméabilisation des sols galopante limitant l’infiltration de l’eau et la recharge des aquifères….)

En France, en moyenne, on recense 480 milliards de m³ de précipitations pour le territoire français chaque année dont 61% s’évaporent. Nous pouvons également comptabiliser 270 000 kilomètres de cours d’eau permanents et des nappes souterraines estimées à 2000 milliards de m³. On peut donc considérer que la France dispose de ressources en eau considérables.

  • Total des ressources disponibles = 191 milliards de m3/an, soit 3 262 m3 par personne et par an.
  • Estimation des besoins du pays = 32 milliards de m3/an, soit 17 % des ressources disponibles.

Bien sûr, toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Des tensions apparaissent au gré de la répartition de la pluviométrie, ainsi que des conflits d’usages (besoins en eau des industries, besoins en irrigation…). Cela justifie alors le recours à une restriction des usages de l’eau par arrêtés préfectoraux temporaires, dit arrêtés «Sécheresse ». Sur le long terme, cela conduit aussi à la construction d’infrastructures (barrages, réservoirs, nouveaux forages,…), qui eux-mêmes ont un impact non négligeable sur le cycle de l’eau et la biodiversité.

Le réchauffement climatique en cours, s’il se confirme, pourrait accroître des évènements hydrologiques exceptionnels (inondations, pluies intenses, tempêtes, sécheresses) qui risquent d’induire à long terme des contraintes sur les ressources en eau. Selon les projections actuelles, la pluviométrie globale va peu varier dans nos régions dans les années à venir. En revanche, la répartition annuelle et spatiale sera, quant à elle, impactée (période de sécheresse longues, suivis d’orages importants très localisés…). 

 Cela rejoint la nécessité de la surveillance de la ressource, des ouvrages et de la qualité de l’eau …

Alors bien sûr, il vaut mieux essayer de prévenir la sécheresse si on le peut …

Pour les usages domestiques, cela passe par des gestes éco-responsables : prendre une douche plutôt qu’un bain, réparer toute fuite d’eau sans tarder, installer des équipements sanitaires économes en eau, limiter la consommation de produits dont la fabrication demande beaucoup d’eau…

Pour les usages agricoles, cela passe par un changement des pratiques d’irrigation, un choix de cultures moins gourmandes en eau.

Pour les usages industriels, cela passe par une amélioration des modes opératoires, plus économes en eau.

Pour les collectivités, cela passe par l’entretien des réseaux et la réparation des fuites ainsi que par la collecte des eaux pluviales pour l’arrosage des espaces verts et des terrains de sport.

Il est donc important de prendre au sérieux les recommandations d’usage, de respect de cette eau qui nous l’avons vu est un élément vital, un gage de bonne santé tant que sa qualité est maitrisée.

Nous avons tous un rôle à jouer : surveiller, protéger, préserver cette ressource indispensable est une évidence. Passer du statut de consommateur à celui de consomm’acteur, faire évoluer les pratiques, implique une action concertée à la fois locale et globale. Beaucoup y oeuvrent déjà, mais ce n’est pas encore suffisant …


Article co-écrit par 3 enseignantes du Lycée Agricole d'Obernai

Valérie FARLOTTI GIORDANO (Enseignante Physique Chimie)
Gwendoline BACHER (Enseignante Hydraulique)
Anne Ritzenthler, professeur d'Education Socio Culturelle 


Retouvez les pour leur conférence - partages
au Café Klastch à BiObernai : "Une eau saine pour une vie saine"

  • Samedi 12 septembre à 15h30
  • Dimanche 13 septembre à 11h

 


 

Sources :

https://www.sdea.fr/

https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/article/eau-du-robinet

https://www.cieau.com/

https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2000-1-page-123.htm

https://www.nestle-waters.fr/

https://eaumineralenaturelle.fr/ (industrie de l’eau)

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